Les trames
Architecture, Théorie architecturale

CLIMARCHI #1 – Trame verte, trame bleue, trame noire, trame brune

Climarchi est une série d’articles visant à aborder des sujets autour de l’architecture et de l’écologie. Comme les autres articles du site, il n’y a pas vocation à faire « parole d’expert » mais plutôt à démocratiser certaines notions afin de donner envie aux lecteurs de se renseigner davantage, et de créer des discussions sur les thématiques environnementales. Certaines de ces notions peuvent paraitre évidentes pour certains, moins pour d’autres, alors nous partirons du principe qu’il n’y a pas de « sujet bête » et nous parlerons ici de toute sorte de choses sans se limiter. Cette démarche est née de mon envie d’apprendre et de progresser sur les thématiques écologiques en architecture / urbanisme face aux menaces imminentes du réchauffement climatique. N’hésitez pas à donner votre avis dans les commentaires. Sur ce, bonne lecture!

Les trames

Dans cet épisode de Climarchi, nous allons parler d’un concept utilisé dans l’aménagement du territoire en France et ailleurs : les trames verte, bleue, noire et brune !

A quoi correspondent ces « trames » ?

Les premières évocations de « trames verte et bleue » (TVB) datent des années 1930, mais le concept est utilisé dans l’aménagement du territoire français depuis 2007 seulement, suite au Grenelle de l’environnement. Ces « trames » consistent à coordonner les territoires pour créer des réseaux d’échanges et des continuités environnementales : continuité végétale (trame verte), et continuité aquatique (trame bleue). Il y a aussi la trame noire (continuité d’obscurité la nuit), et la trame brune (continuité des sols). Mais ces deux dernières trames sont moins connues.

🌿 La trame verte

La trame verte consiste en une continuité d’espaces naturels et végétaux, afin de préserver la biodiversité et de permettre une présence naturelle et végétale répartie sur le territoire, mais aussi et surtout pour relier ces espaces entre eux et donner la possibilité aux animaux de se déplacer d’un espace naturel à un autre, sans se heurter aux obstacles de la ville, ainsi que de permettre la migration des plantes et champignons. La trame verte comprend donc les forêts, les parcs, les jardins, etc… Mais aussi tous les espaces verts de transitions entre ces espaces, que l’on appelle des corridors écologiques. Ces corridors permettent le déplacement des plantes par les semences et par les racines, et donc leur développement.

On peut favoriser cette continuité naturelle en exigeant par exemple que les haies séparatives entre les maisons soient végétales, ce qui permettra aux plants de se développer et aux bestioles de gambader d’un jardin à un autre (chose non permise par une clôture artificielle). Il y a aussi les passages à faune, les ponts végétaux… Les ponts végétaux (appelés écoponts ou écoducs) sont considérés comme des « passages à grande faune » car ils permettent à des cerfs ou des biches par exemple de passer d’un espace végétal à un autre. Les « passages à petite faune » vont plutôt concerner les rongeurs, les batraciens, les hérissons ou autres, et peuvent consister en des petits tunnels sous les routes, ou des trous dans les clôtures.
Voici quelques exemples de passages à faune :

🌊 La trame bleue

La trame bleue consiste en une continuité aquatique, entre les mers, fleuves, ruisseaux, lacs, étangs… La transition entre ces différents espaces peut être effectuée par des rus, des zones humides… Cette trame permet non seulement d’apporter de la fraîcheur en ville, mais aussi pour permettre à certaines espèces animales aquatiques ou semi-aquatiques de prospérer et se déplacer. Pour les espèces semi-aquatiques, il faut par exemple veiller à ce que les berges soient bien aménagées, pour que les cours d’eau leur soient accessibles, avoir une bonne végétalisation des berges (ripisylves), limiter – ou mieux : arrêter – la construction des barrages, détruire les constructions existantes inutiles, créer et entretenir des mares, installer des passes ou échelles à poissons… A noter que les plantes sur les berges permettent de lutter contre les inondations par exemple, ce que nos berges bétonnées ne permettent absolument pas !

En réfléchissant à des dispositifs qui pouvaient rentrer dans un principe de trame bleue, j’ai pensé aux djoubs iraniens. Il s’agit de canaux à ciel ouvert le long des rues ; à Téhéran, il s’agit de l’eau descendant de la montagne. Est-ce que cela peut rentrer dans la trame bleue ? Je pense que oui, dans une certaine mesure, mais n’ayant pas de certitudes, je vous invite à exprimer votre avis là-dessus en commentaire.

Photo ancienne d'enfants se baignant dans le djoub
Enfants se baignant dans le djoub – Crédit : Journal Hamshahri

Un autre dispositif entrant dans le cadre de la trame bleue : les noues. Il s’agit de sols aménagés en creux afin de recueillir les eaux pluviales, pour les évacuer, les écouler ou les infiltrer dans le sol… Cela peut être facilement être mis en place en bord de route, et c’est un dispositif qui permet de prévenir les inondations.

Photo d'une noue en milieu urbain
Noue – Crédit photo : Alain Castel pour Sud-Ouest

🌖 La trame noire

La trame noire consiste à offrir une continuité d’espaces non-éclairés la nuit, pour permettre aux animaux nocturnes de se déplacer sans être effrayés par la lumière artificielle des lampadaires, ou autres. Cette démarche permet également de limiter la « pollution lumineuse » et d’économiser de l’énergie électrique. Si la nuit, en ville, vous vous retrouvez quelque part de sombre, alors qu’il y avait des lampadaires avant et après, c’est donc peut-être pour une raison réfléchie (ou pas). La lumière ébloui les espèces animales nocturnes et les fait fuir, et à l’inverse il peut s’agir d’un piège écologique pour les espèces attirées par la lumière (comme les mites ou autres insectes qui se jettent dans le feu des bougies, vous voyez ?). Le principe de la trame noire est donc de limiter au maximum cet éclairage artificiel, et de proposer des « corridors sombres » à destination des bestioles nocturnes. On peut aussi proposer des solutions mixtes, par exemple des luminaires oui mais à lumière diffuse, plus douce…

Meme avec une mite qui dit "brother I crave for the forbidden lamp" et l'autre mite dit "don't do it brother, no brother please" pendant que la première mite s'envole vers... le soleil
Les mites et leur amour des lampes (chiné sur Reddit)

🐭 La trame brune

Nous voilà enfin à la trame brune ! il s’agit d’une continuité des sols. En gros, une liaison de la terre en souterrain, et même de la pleine terre. Entre les routes, le bitume, le béton, les pavés, bref, tous ces sols minéraux artificiels… ainsi que les réseaux souterrain, nous sommes loin d’avoir de la terre partout en ville (et même des fois hors villes). La trame brune vise donc à permettre aux espèces souterraines d’avoir des bouts de terre qui communiquent entre eux, une continuité terrienne qui leur permet de se déplacer et de subsister. Cela permet aussi aux plantes d’étendre leurs racines et de capter de l’eau, cela permet de lutter contre les inondations (car la terre absorbe l’eau), en somme ça permet beaucoup de choses ! Et ça peut se manifester de différentes manières.
Par exemple, les dalles gazon (ou sol evergreen) qui permettent d’avoir un sol à la fois minéral et végétal. Personnellement je pense qu’il vaut mieux avoir du vrai gazon, dans beaucoup de cas où ce type de matériau est utilisé, et que c’est souvent utilisé en mode greenwashing, mais bon, sachez que ça existe, et que ça peut être pas mal en remplacement de sol minéral. On va aussi avoir le fait de lier les espaces plantés entre eux, en ville, plutôt que de planter plein de petits arbres ponctuels qui ont chacun leur petit carré (ou cercle, peu importe) de terre.

Points de vigilance des trames

Pour que les principes de ces différentes trames fonctionnent, il faut que cela soit fait intelligemment. Etant donné que ce sont des espaces aménagés par les humains, ils sont forcément artificiels. On dit même qu’il n’existe aucun endroit vraiment naturel sur Terre, puisque les humains ont interagi avec tout ce qui existe sur la planète.

Tout d’abord, nous avons vu l’importance des liaisons entre les espaces plantés/aquatiques, pour permettre les déplacements de faune et le développement de la flore. Il faut néanmoins être vigilant dans la manière dont on conçoit et positionne ces « corridors écologiques » car ils peuvent être à l’origine de l’expansion d’espèces invasives (comme les chenilles processionnaires, la renouée du Japon, ou la tortue de Floride).
Un aménagement trop rapide de la trame verte peut aussi créer des situations de pièges écologiques. Un piège écologique, c’est quand une modification rapide de l’environnement (qu’il soit « naturel » ou urbain) perturbe certaines espèces animales, les amenant à se déplacer vers des habitats qui ne leurs conviennent pas.
Avec une gestion foireuse de la trame verte, on peut aussi provoquer une rencontre entre des espèces qui n’ont habituellement pas l’habitude de se rencontrer, et créer de nouvelles relations de prédation. Dans le principe, les trames verte/bleue/noire/brune sont donc de bonnes idées, mais il ne faut pas « faire de la trame pour faire de la trame » (évitons le greenwashing quoi), et il faut vraiment se donner les moyens de réfléchir sérieusement à la manière dont on les met en place. Pour ce qui concerne l’aménagement du territoire, en tout cas. Car à notre échelle, nous pouvons aussi contribuer à faciliter les déplacements de bestiaux.

Que pouvons-nous faire à notre échelle ?

Si vous habitez dans une maison, avec jardin, vous pouvez faire en sorte de faciliter les déplacements des animaux avec quelques dispositifs tout simples. Par exemple, comme nous l’avons vu, vous pouvez décider d’avoir une clôture végétale, ou une clôture avec suffisamment d’espace entre les mailles pour que les animaux circulent. Vous pouvez aussi percer le bas d’un grillage, pour laisser les hérissons gambader joyeusement. Vous pouvez aussi installer des filets à crapauds pour les empêcher de courir sur la route, créer un écosystème miniature dans votre jardin, installer des nichoirs et mangeoires pour les oiseaux…

Quand on habite en appartement, malheureusement on ne peut pas avoir d’impact d’un point de vue jardin, mais on peut essayer de s’approprier des petits coins de ville et d’espace public pour faire ce qui a été mentionné ci-dessus.

En tant qu’architectes, si nous travaillons en mairie au service d’urbanisme, nous pouvons essayer d’intégrer les trames verte/bleue/noire/brune dans le PLU. On peut par exemple favoriser la trame verte en imposant des clôtures de maisons respectant le passage des animaux, par exemple, ou encore mieux : obliger les passages dans les ilots. Les résidences fermées empêchant les humains de circuler créent des grosses ruptures urbaines, et à tous points de vue c’est terrible. Ca ne sert à rien de se vanter d’aller en vélo au travail si en parallèle on construit des quartiers résidentiels fermés. Ca rend la vie de piéton invivable, et ça favorise le développement routier.

Et vous, que suggériez-vous de faire, à notre échelle ? Que pensez-vous de ces concepts d’aménagement en trames ? Dites-le en commentaire, et ça sera rajouté dans l’article.
En espérant que ce premier petit article vous ai plu, n’hésitez pas à faire par de vos remarques, d’erreurs éventuelles repérées dans l’article, ou tout simplement de ce que vous évoque tout ce dont nous avons parlé. Que votre journée soit belle ♥


Bibliographie

Centre de ressources de la trame verte et bleue française (site)
Une fiche des clôtures favorables au passage de la faune, par Bruxelles Environnement (PDF)
Faune sauvage : tour du monde des passages qui aident les animaux à traverser les routes, par TV5Monde (reportage vidéo)
Une merveilleuse BD sur la trame verte et bleu (PDF)
Exemples de pièges écologiques (wikipédia)
La trame verte et bleue dans les PLU – Guide méthodologique (PDF)

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