Ornement et rénovation énergétique
Architecture, Théorie architecturale

CLIMARCHI #2 – Ornement et rénovation énergétique

L’ornement, en architecture, est un élément qui vient agrémenter la construction, voire l’embellir. Il s’agit par exemple des gargouilles, des frises des temples antiques, des décors floraux des façades Art Nouveau, mais aussi des arts décoratifs. Une tenture murale ou un tapis sont également des formes d’ornements. L’ornement existe depuis au moins aussi longtemps que l’architecture.

Les fonctions de l’ornement

L’ornement peut remplir différentes fonctions :

  • une fonction symbolique, qui peut être religieuse ou non : les croix des églises, la balance de la justice sur les tribunaux, le serpent des pharmacies et apothicaires…
  • indiquer la fonction du bâtiment : l’ornement nous permet de différencier une mairie d’une école, d’un magasin, d’un opéra…
  • ajouter un agrément artistique et esthétique : la fonction de l’architecture que Vitruve appelait « venustas » (attrait en latin, qu’on pourrait traduire ici par l’esthétique)
  • une fonction technique : les arts décoratifs ont été longtemps utilisés plus ou moins consciemment pour des raisons d’ordre technique, comme l’acoustique (les moulures des théâtres réverbèrent le son), la thermique (les tapis et textiles de murs ont une fonction isolante), la structure (comme les clef de voûtes décorées)…
La fin de l’ornement

Les ornements étaient très populaires et abondamment utilisés en architecture jusqu’à la fin du XIXème siècle. Au début du XXème siècle. l’architecte autrichien Adolf Loos écrit un ouvrage qui eut un impact énorme sur l’architecture, et dont nous ressentons encore les conséquences aujourd’hui : « Ornement et crime » (1908). il y fustige les ornements, arguant que la modernité occidentale doit s’émanciper de l’ornement, qu’il qualifie de « dégénérescence » et de « barbare ». Le Corbusier sera fortement influencé par Loos, et tous deux lanceront les bases du mouvement moderne en architecture. Les bâtiments dits modernes sont donc désormais dépouillés d’ornements, la structure est laissée brute et apparente (brutalisme). Pour les architectes modernes, l’architecture sans ornement est pure ; elle est dépourvue de « fioritures », et est donc « honnête ».

L’architecte suisse Philippe Rahm et l’architecte allemand Gottfried Semper estiment que ce serait aussi et surtout les avancées techniques (chauffage, climatisation…) qui auraient permit à Loos et Le Corbusier de revendiquer la fin de l’ornement. Déchu de ses fonctions techniques, les nouveaux architectes ne voient plus l’ornement que dans ses fonctions symboliques et esthétiques. C’est-à-dire des fonctions subjectives, et donc dont on peut potentiellement se passer.
Le mouvement architectural post-moderne, théorisé et popularisé par les architectes américains Denise Scott-Brown et Robert Venturi, a de son côté remis en cause la théorie moderniste de la « fin de l’ornement » en disant que l’ornement n’a jamais disparu mais qu’il a seulement pris une forme différente. Pour les post-modernes, l’architecture moderne a simplement créé des « ornements géants » : le bâtiment n’a plus d’ornements, il EST lui-même l’ornement.

Quoiqu’il en soit, il devient de plus en plus rare de voir des ornements sur des édifices récents. Les façades sont souvent plates, et le phénomène va sans doute s’accentuer avec les techniques d’isolation par l’extérieur qui sont de plus en plus adoptées et préconisées dans le cadre des rénovations énergétiques ou de la construction en neuf.

Rénovation énergétique et ornement

La rénovation énergétique est un des grands sujets du moment dans le secteur du BTP. L’isolation thermique par l’extérieur est préconisé comme étant une des mesures les plus efficace pour faire des économies d’énergie, mais si vous êtes un professionnel du BTP qui travaille sur le sujet, vous avez déjà probablement été confronté à un logement ancien, à la façade ornementale, et ne pouvant faire l’objet d’un ajout d’isolation par l’extérieur. En effet, cela reviendrait à cacher les ornements (frises, bas reliefs, traitement esthétique qualitatif des matériaux…) sous une couche d’isolant. Par bon sens, nous n’avons pas envie de le faire, et quand bien même nous aurions envie, il y aura toujours le PLU ou l’ABF qui bloquera cette décision. On opte donc généralement pour une isolation intérieure, qui reste convenable malgré ce que ça implique en termes de ponts thermiques.

Cela peut néanmoins nous amener à nous poser plusieurs questions. Comment penser une architecture pleinement performante énergétiquement, sans ponts thermiques, ET ornementale ?… L’isolation thermique moderne n’aurait-elle pas remplacé l’ornement dans sa fonction climatique ?

30 Juin 2021

Cet article a été initialement pensé pour une petite conférence de deux minutes improvisée au travail (d’où le lien avec la rénovation énergétique). C’est pourquoi il n’est pas aussi rigoureusement sourcé que les autres articles, il s’agit plutôt de réflexions à chaud (basées sur mes connaissances théoriques).

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