Discussion avec Nelo Magalhães autour d’ »Accumuler du béton, tracer des routes » jeudi 4 avril 2024 à 19h30 à la librairie L’Atelier (2 bis, rue du Jourdain, 75020 Paris).
Après la Seconde Guerre mondiale, le choix politique d’intensifier le trafic routier pour soutenir une consommation de masse et un commerce de plus en plus mondialisé se traduit par la mise en chantier de milliers de kilomètres de routes et d’autoroutes. Ce programme a accompagné une extension sans précédent du bâti – à travers la construction de ports, d’aéroports, de villes nouvelles, de centrales nucléaires, d’installations hydroélectriques –, et le remembrement de millions d’hectares de terres agricoles : en un mot, il a profondément affecté les paysages et transformé l’espace physique et vécu.
La généralisation du béton et des machines a permis une révolution dans la production de l’espace en l’affranchissant des contraintes du relief, du climat et de la géologie : « abstraire le sol » pour faire passer la route – et supporter le poids des camions – est devenu un leitmotiv de ce qu’on appelle l’aménagement du territoire. Des opérations qui nécessitent en permanence un titanesque effort matériel et le déplacement de milliards de mètres cubes de terre, de sable et de pierre. Le livre met ainsi au centre de l’analyse « l’extractivisme ordinaire » des carrières françaises, et une matière clé du capitalocène : le granulat.
Si l’engouement pour le béton et le transport routier ne s’est pas démenti depuis les années 1960, de nouveaux enjeux ont vu le jour : entretenir cette infrastructure massive et fragile, et gérer les crises sociales et écologiques qu’elle suscite. Alors que les conflits et controverses autour des projets de construction se multiplient, dévoilant les manœuvres de la puissante industrie cimentière, ce livre identifie quelques verrous qui rendent le bâti si pesant.
Nelo Magalhães est docteur en mathématiques et en économie. Il est actuellement post-doctorant à l’Institut de la transition environnementale. Ses recherches portent sur la matérialité du capitalisme, dans une perspective qui allie économie politique et histoire environnementale.