Comment lutter ? Le petit guide.
Quand j’étais enfant, j’étais tombée dans la bibliothèque de mes parents sur un guide du Routard un peu spécial : « Le guide du citoyen » (2002, édition Hachette). C’était comme un guide du routard habituel, mais à la place des conseils touristiques sur une ville, il s’agissait d’un répertoire des manières de lutter, des actions militantes, des associations et collectifs… Ce petit livre m’a fascinée et je rêvai de grandir et devenir adulte pour avoir l’occasion de suivre ce guide et rejoindre ces associations.
Nous sommes en 2024 et le guide du routard citoyen de 2002 n’est plus d’actualité, des assos ont fermé et d’autres ont émergé, les lieux militants ne sont plus forcément les mêmes, de nouvelles manières de lutter existent… Alors je vous propose ici un petit guide du citoyen version 2024, qui est destiné à être enrichi (n’hésitez pas à suggérer vos idées dans les commentaires !).
Rejoindre une association, un collectif ou un parti politique
Vous pouvez mettre vos compétences acquises dans le cadre de votre profession au service de la lutte, dans une association ou un collectif (voir la liste des associations d’architecture et d’urbanisme). Dans le cas de la profession d’architecte (car l’architecture est tout de même le sujet de ce site), vos connaissances peuvent être utiles dans des collectifs comme Stop ANRU ou le DAL, par exemple. Vous pourriez disséquer des PLU à la recherche d’une faille contre un projet immobilier malhonnête, aider au diagnostic des logements insalubres, etc.
L’Académie des Joyeux Architectes étant anarchiste, vous ne trouverez aucune suggestion de parti politique ici bas (ni patrie ni parti, tout ça tout ça…). Si cela vous intéresse, vous saurez très bien trouver de vous-même le parti qui vous correspond le mieux, et mettre à contribution vos connaissances en terme d’aménagement de la ville et de droit au logement, par exemple.
Se syndiquer
Étant donné tout le temps qu’on passe au travail, une excellente manière de militer consiste à se syndiquer (et participer aux grèves, revendications salariales, etc) !
L’état du syndicalisme en architecture est malheureusement très nul, hormis dans les grands groupes et particulièrement dans le secteur public (où les syndicats foisonnent), on a généralement bien du mal à se syndiquer quand on est salarié en architecture… Encore plus à faire la grève (sous risque de se retrouver seul·e à la faire)… Mais vous trouverez néanmoins quelques noms de syndicats d’architectes à la fin de >cet article<.
Aller à des évènements militants
Quelques sites :
- Le Calendrier de l’Académie des Joyeux Architectes (Île-de-France) : petite nouveauté du site, on vous propose une sélection d’évènements autour de l’architecture, la ville, l’espace public, parfois militants parfois non.
- L’agenda de la CGT (France) : pour les mobilisations syndicales et les évènements de la CGT.
- Paris lutte info (Ile-de-France) : un site incontournable pour connaître les événements qui ont lieu en région parisienne.
- Agenda militant et indépendant (Paris) : recensement d’évènement sur Paris et banlieue très limitrophe.
- Mobilizon (France entière) : il y a toute sorte d’événements, dont des événements militants.
- Les universités populaires (France) : les universités populaires ont pour vocation de transmettre du savoir au plus grand nombre (éducation populaire). Trouvez-en une près de chez vous !
- Reprises de savoirs (France entière) : collectif qui propose des ateliers d’éducation populaire, auxquels tout le monde peut participer (que ça soit en tant que « spectateur » ou qu’initiateur). Les groupes « Autre rentrée » notamment proposent pas mal d’ateliers en lien avec des universités (mais pas besoin d’être étudiant·e de ces universités, c’est ouvert à tout le monde).
- Les conférences gesticulées (France) : conférences d’éducation populaire, qui ont lieu partout en France.
- radar squat (planète) : répertoire de squats, actions, ZAD… Il y a aussi une liste d’événements.
- Sur les sites internet des lieux militants : la section ‘agenda’ des locaux associatifs et militants peuvent vous donner des idées d’événements auxquels assister. Quelques exemples sur la région parisienne : les Amarres, l’Académie du Climat, la librairie Quilombo, la librairie Publico, la Parole Errante, l’AERI…
- Les festivals militants (rdv annuels) : Lezart Festival (lesbien), WeToo Festival (féministe), Burning Womxn (féministe), Les Digitales (droit au logement)…
Autres méthodes pour trouver des évènements :
- Si vous n’avez jamais milité avant : les manifestations sont un bon moyen de mettre un pied dans le militantisme, vous pourrez y faire la connaissance de divers collectifs et être au courant des prochains évènements, que ce soit des manifs ou autre. Voici un site avec des idées de slogans pour les manifs : Slogans Manifs.
- Quand on est déjà à un évènement, on trouve parfois des infos sur les prochains évènements organisés (tracts en manif, affiches dans une soirée…).
- Renseignez-vous sur les luttes locales ! Que ça soit sur les petites annonces dans la rue, dans le journal municipal, par bouche à oreille ou autre… Les luttes locales sont très importantes. ‘Agir local – penser global’, comme on dit !
Affichage, collage, graffitis
L’expression des opinions dans l’espace public, de manière visuelle, est une manière de militer efficace pour faire passer un message, renseigner les passants sur les luttes en cours, ou leur apporter du réconfort (comme c’est le cas de certains collages féministes, qui témoignent de la sympathie aux victimes de violences). Quelques exemples de moyens d’expressions dans l’espace public :
- Coller des stickers ;
- Coller des affiches ;
- Taguer des slogans ou des opinions ;
- Recouvrir des tags de fachos ;
- Faire des collages féministes ;
- Remplacer des publicités par des affiches anti-pub.
Création artistique
Si vous aimez créer, voici quelques exemples de choses que vous pouvez faire pour la lutte :
- Dessin : par l’illustration et la bande-dessinée, on peut exprimer nos idées et diffuser des messages.
- Zines : un zine est une petite revue artisanale auto-éditée, généralement à prix libre, et dans laquelle on peut exprimer ce qu’on veut, dont ses opinions politiques sur tel ou tel sujet.
- Linogravure : les linogravures sont un moyen de représentation graphique très populaire dans les luttes militantes ! Elles permettent en outre d’imprimer artisanalement plusieurs affiches.
- Écriture, articles : un peu comme ce qu’on fait ici !
- Photographie, vidéos, reportages : que ce soit pour témoigner d’abus (violences policières), pour récolter des témoignages ou simplement exprimer des idées…
- Cuisine : pour les maraudes ou pour les cantines d’événements militants, par exemple. Cuisiner peut être un acte militant !
Consommer éthique
Quelques idées (listes pas exhaustive du tout) :
- Privilégier la seconde main.
- Réparer plutôt que de racheter : trouver un Repair Café en Île de France ou dans le reste du Monde.
- Militer contre l’obsolescence programmée.
- Pour se déplacer : privilégier les transports en commun, la marche à pieds et le vélo. Bannir l’avion. Il y a plein d’endroits très sympas accessibles en train pour voyager.
- Acheter bio, équitable, à des SCOP…
- Souscrire à un fournisseur d’énergies renouvelables.
- Consommer moins.
Boycotter
Le boycott, c’est le pouvoir du consommateur ! Quand l’action d’une entreprise ou d’une institution va à l’encontre de nos opinions, nous pouvons les boycotter pour refuser de participer à leur monde (dans la limite des besoins de première nécessité, évidemment). De plus, en boycottant des entreprises ou institutions, on se rend compte d’un cercle vertueux : tout en nuisant à l’entreprise/institution visée, on se détache nous-même de certains comportement consommateurs inutiles et on tend vers la sobriété heureuse. Voici des exemples de boycotts simples à mettre en place :
- Amazon : ce monstre capitaliste détruit les droits des travailleurs, la planète, et enrichit un mec totalement con (coucou Jeff Bezos). Saviez-vous que les livreurs Amazon pouvaient se voir confier 250 colis à livrer par jour, se retrouvent bien souvent à pisser dans des bouteilles en conduisant et ont des horaires de travail dignes des pires heures du XIXème siècle ? Maintenant oui ! On boycott sans hésiter. On peut aussi boycotter ses variantes : Audible, Amazon Prime Video, GoodReads…
- Les sociétés ubérisées : Uber(Eats), Deliveroo, Airbnb, les sites de livraisons de courses en 10 minutes… Ces entreprises proposent des modèles de société nocifs à la fois pour les droits des travailleurs (et exploitent des sans-papiers), pour la planète et pour l’organisation de la ville. Alors, on bouge ses fesses et on va au supermarché (ça fait de l’exercice, en plus), on dort à l’hôtel quitte à payer plus cher et voyager moins (et plus responsable). Boycotter ces entreprises permet en outre d’adopter un mode de vie plus sain.
- Israël : en plein génocide des palestiniens, le boycott de la nation israélienne est plus que nécessaire. BDS indique quelques entreprises sur lesquelles cibler le boycott : Carrefour, AXA, HP, Puma, Sodastream… Il y a aussi la plupart des chaînes de fastfood (McDo, Burger King, Domino’s Pizza, etc). Le boycott permet en outre de manger plus sainement !
- Temu, Shein, et autres entreprises de fast fashion : ces entreprises, avec leurs petits prix, s’enrichissent sur le dos de communautés de travailleurs exploités et persécutés (esclavage des Ouïghours…). Avez-vous vraiment besoin de tous ces gadgets inutiles et vêtements de fast fashion ?
- Les Jeux Olympiques et autres événements sportifs mondiaux : les J.O. et les mondiales de foot sont des événements urbanistiques avant d’être des événements sportifs : ils reconfigurent totalement l’horizon des villes dans lesquels ils ont lieu, à coup d’expulsions et de gentrification. Architectes et urbanistes responsables, on boycott les grands événements !
Lire, regarder, s’informer
Être au courant de l’actualité est important pour militer. En fonction de vos préférences (lecture, visionnage vidéo, écoute ?) vous pouvez vous renseigner via différents moyens :
- Consulter des médias indépendants (Médiapart, Blast, Reporterre, Socialter, L’âge de faire, Le Chiffon, La Décroissance, Revue Le Sabot, le Média TV, etc…). Voir la carte de la presse pas pareille.
- Lire des bouquins politiques (vous trouverez quelques idées dans la série d’articles Les lectures de l’académie).
- Regarder des documentaires (pro-tip : y a Arte qui a un service de streaming gratuit, par exemple).
- Écouter des podcasts.
- Infokiosque.net : super site internet avec plein de ressources militantes.
L’action directe
Le principe de l’action directe (qui est un des principes anarchistes) c’est de faire advenir directement les changements que l’on aimerait voir advenir dans ce monde, par des petites ou grandes actions. Ça peut consister au déboulonnage de mobiliers anti-SDF ou de monuments à la gloire de personnalités racistes, à arracher des publicités, à éteindre pendant la nuit les vitrines de magasins qui consomment inutilement de l’électricité, à saboter une cimenterie, entraver un chantier d’un projet nocif d’un point de vue social/environnemental, taguer ou péter la vitrine d’une banque, créer un système d’entraide avec ses voisins, fabriquer du mobilier urbain et le mettre à libre disposition, créer des potagers sauvages dans la ville, taguer une caméra de vidéosurveillance, foutre la merde aux J.O., détruire un radar, etc…
Ce petit guide n’étant évidemment pas exhaustif, libre à vous de nous proposer d’autres choses en commentaire 😄