La Terre Cuite à Toulouse
Architecture, Théorie architecturale

CLIMARCHI #3 – La terre cuite dans la région toulousaine

Pour ce nouvel épisode de Climarchi, nous allons parler d’un matériau traditionnel : la terre cuite, en lien avec une région de France où il est très utilisé et peut être exploité de manière locale : la région toulousaine. En effet, il nous paraît intéressant de se pencher sur ces matériaux locaux et écologiques qui représentent des alternatives au béton armé.

Historique culturel de la terre cuite à Toulouse

La ville de Toulouse est souvent surnommée la «ville rose», en référence aux paysages de terre cuite qui la composent. Les premières construction en terre cuite dans le Midi toulousain datent de la période gallo-romaine à l’Antiquité; ces constructions se généralisèrent à partir du XIIème siècle, à l’ère romane, puis à nouveau avec la révolution industrielle au XIXème siècle. En effet, l’argile étant un matériau local de la région, il y fut très vite exploité.
Parmi les monuments de terre cuite à Toulouse figurent notamment la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse (dont la construction a débuté au XIIIème siècle), les édifices entourant la place du Capitole (construits aux XVIIIème-XIXème siècles), le Palais archiéscopal (XVIIème-XIXème siècle), ainsi que de nombreux autres immeubles et maisons de la capitale du Languedoc.
La variété de brique la plus caractéristique de l’architecture du Midi Toulousain est la brique foraine.

Cathédrale Saint-Etienne à Toulouse

Cathédrale Saint-Etienne à Toulouse. Photographie de Jacques Mossot.

Brique foraine

Brique foraine. Photographie de Frédéric Neupont.

La brique foraine et la région toulousaine

La brique foraine est un type de brique propre à la région toulousaine. Elle est d’ailleurs parfois appelée brique toulousaine.
Il s’agit d’une brique de grandes dimensions (avec un rapport longueur/largeur de 2/3), plate et rouge. Elle se différencie par là de la brique du nord, l’autre brique la plus utilisée en Europe. Cette dernière est plus petite mais aussi plus épaisse.
Les briques foraines sont obtenues à partir de l’argile et de la marne extraites des plaines alluviales de la Garonne et du Tarn. La terre cuite est donc non seulement un matériau traditionnel de la région toulousaine, mais aussi un de ses matériaux locaux (comme c’est souvent le cas). Elles peuvent être utilisées à plat en façade (ce qui leur donne alors une certaine épaisseur) ou en pavage au sol, à la verticale pour soutenir des voûtes, pour former des colonnes, des cheminées…
A Toulouse, la terre cuite n’est cependant pas utilisée exclusivement pour les briques, mais aussi pour d‘autres éléments architecturaux comme les tuiles. Quelles sont les méthodes de fabrication de la terre cuite à Toulouse ? Comment rénover le patrimoine architectural en terre cuite à Toulouse ? Quels usages de la terre cuite à Toulouse dans les nouvelles constructions de la région ?

Processus de fabrication des produits en terre cuite

1. L'extraction des matières premières

La première étape de la fabrication des produits de terre cuite consiste à extraire les matières premières qui serviront à leur production, à savoir l’argile, la marne et la terre sablonneuse. Une fois l’argile extraite et traitée, il va être possible d’obtenir de la terre cuite en la cuisant.
Afin d’extraire de l’argile, il faut tout d’abord trouver un site où l’argile est présente en quantité suffisante et de bonne qualité. Souvent, ces sites sont également choisis en fonction de leur proximité avec une ou des briqueterie(s) / tuilerie(s), pour des raisons pratiques.
Une fois le site repéré, et les autorisations d’exploitation obtenues (voir encart «Législation» ci-dessous), le travail d’extraction peut commencer.
Les carrières ne sont exploitées que quelques mois par an. Ces périodes sont appelées «campagnes». L’argile est une roche sédimentaire provenant de la décomposition de roches plus anciennes (principalement du granite) ; elle est généralement meuble et imperméable. Celle qui est utilisée dans la région toulousaine pour la production de terre cuite provient de la Garonne et du Tarn.
La composition de l’argile extraite (et en particulier ses impuretés) a une influence sur la couleur que prendra la terre cuite : rouge, rose, orange, bleue, grise, brune, noire, verte… Des mélanges de différents types d’argiles ont parfois lieu pour associer des propriétés différentes et obtenir l’argile la plus efficiente possible. Ainsi, pour obtenir de la terre cuite grise-bleue granulométrique, il faut associer de l’argile grise-bleu, forte en quartz et en fer, avec une autre argile contenant davantage de silice. En effet, l’argile grise-bleue a l’inconvénient de se fissurer en séchant à cause de sa forte rétention d’eau. L’associer avec de l’argile silicienne permet d’absorber ce surplus d’eau et donc d’éviter la fissuration de l’argile.

Législation sur la terre cuite : l'exploitation de nouvelles carrières d'argiles doivent faire l'objet d'une étude d'impact, puis dépôt de dossier en préfecture, enquête publique, avis du commissaire d'enquête, avis des conseils municipaux, avis de la commission départementale des carrières, arrêté préfectoral d'aurotisation (ou non).

2. Pourrissement de l'argile

Une fois l’argile extraite, elle est transportée dans une aire de pourrissement / vieillissement où elle reposera pendant un laps de temps pouvant aller à quelques mois. Ces aires sont en plein air, de sorte à ce que l’argile puisse prendre le soleil et les intempéries. Cela lui permettra de se laver naturellement, et d’acquérir une certaine élasticité ainsi qu’une cohésion de ses éléments. L’argile sera ainsi plus facile à travailler par la suite.

3. Broyage et mouillage de l'argile

L’argile, après pourrissement, est ensuite stockée dans les trémis d’un distributeur, qui va pousser l’argile dans un broyeur. La terre ainsi morcelée sera passée dans un mouilleur-malaxeur, un appareil qui distribue de l’eau de manière régulière dans l’argile, à l’aide d’un tuyau percé à intervalles réguliers. Ce mélange d’argile et d’eau est dirigé vers une étireuse.
L’argile est comprimée sur des grilles, de sorte à la diviser en petits morceaux. Elle se retrouve ensuite dans une chambre à vide, où elle perd l’air qu’elle contient.

Mouilleur malaxeur

Un mouilleur malaxeur.
Source : ETC France.

4. Modelage de l'argile

L’argile sous vide est passée dans une filière. Les filières de terre cuite peuvent être de différentes formes et dimensions. Dans la région Toulousaine, un certain nombre de ces filières ont donc des dimensions correspondant à celles de la brique foraine.
Après être sortie de la filière, avec la forme désirée, l’argile est taillée aux dimensions souhaitées à l’aide d’un coupeur. Les briques ainsi formées sont acheminées vers des casiers où elles sont stockées, pour finalement rejoindre la chambre de séchage. Dans cette partie du processus, les briques ont généralement une couleur marron claire.

Une filière en train de produire une bande d'argile

Une filière.
Source : Briqueterie Capelle.

5. Le séchage

Après avoir découpé aux bonnes dimensions les briques d’argile (ou les tuiles, ou tout autre élément en terre cuite), arrive la phase de séchage. Le séchage doit être lent au commencement puis de plus en plus intense, à mesure que le produit se rétrécit. Au début du processus, les produits d’argile contiennent environ 15% d’eau; en fonction de leur épaisseur, le séchage peut durer de 4 à 6 jours, parfois plus. Ils rétrecissent d’environ 6% à la fin du séchage. Ce pourcentage peut varier en fonction de la qualité de l’argile.
En général, plus le produit est compact, plus le processus de séchage va prendre du temps.
Par exemple, dans le cas d’une brique foraine (qui nous intéresse dans ce dossier sur la terre cuite dans la région toulousaine) de dimensions 40x28x5, il faut prévoir environ 10 jours. En effet, ce type de brique étant plus imposant que la plupart des autres briques (comme celles qu’on trouve dans le Nord de la France), la durée de séchage moyenne est donc plus longue.

6. La cuisson

Une fois les briques d’argiles sèches, elles sont disposées dans des aires de cuisson (fours à gaz, charbon, gasoil, bois ou tourbe…). L’enfournement se fait à la main.
Cette phase de cuisson est importante car elle peut être déterminante pour la couleur finale de la brique. Ainsi, une brique positionnée près du charbon prendre des teintes «cramées», plus foncées. Dans un même lot de briques, on peut donc se retrouver avec des couleurs allant du rose saumon au marron foncé.

Photo de fours à charbon

Four à charbon. Source : Briqueterie Capelle.

Note : le processus de fabrication des produits en terre cuite décrit ici correspond à une méthode de fabrication industrielle. Il existe en réalité mille manières de fabriquer de la terre cuite.

Les différentes teintes de terre cuite : rouge, bleue, jaune, marron, verte, blanche

Les emplois de la terre cuite dans le bâtiment sur Toulouse

Les cheminées

La terre cuite étant résistante au feu et aux hautes températures, elle a été très utilisée pour la construction de cheminées et de conduits de chaleur. Dans la région toulousaine, les cheminées en terre cuite sont composées de briques foraines et ont donc des dimensions assez imposantes par rapport à des cheminées faites de briques du Nord.
Les cheminées modernes, qui suivent de nouvelles réglementations par rapport à l’époque où se sont développées la plupart des cheminées en brique de Toulouse, sont composées d’un conduit fait de boisseau de terre cuite, empilés à sec, puis souvent recouverts d’un isolant lui-même entouré d’un parement en maçonnerie.
Pour la rénovation de cheminées anciennes, le processus est différent, de sorte à pouvoir mettre aux normes le conduit sans détériorer la cheminée. Ainsi, des gaines en acier inoxydable sont simplement glissées dans les conduits afin d’éviter que la fumée à basse température (prescrite par les nouvelles réglementations) n’attaque leurs joints de maçonnerie.

Cheminée en briques foraines

Cheminée en briques foraines.
Source : SARL CSF.

Boisseau en terre cuite : au centre une brique de terre cuite creuse, autour une couche d'isolant, puis un enduit

Boisseau en terre cuite avec isolant et maçonnerie. Source : Batiproduits

Les murets de clôture

La brique peut également être utilisée pour des murets de clôture. Ce type de mur doit respecter certaines règles, afin d’être durable.
Ainsi, les briques utilisées doivent être très résistantes au gel. En effet, contrairement aux murs de façade par exemple, les murets et leurs fondations peuvent être attaqués par le gel des deux côtés. Ces fondations en question doivent donc aussi être suffisamment profonde pour atteindre une zone hors gel. Des précautions sont également à prendre en ce qui concerne la poussée latérale du vent sur les murets de clôture. Puisque la maçonnerie n’est guère très perfomante en traction, seul le poid propre du muret peut lui garantir une stabilité. Deux solutions s’imposent alors :
la hauteur du muret ne dépasse pas 5-6 fois son épaisseur. Cela donne, pour un muret de 2,5 mètres de haut, une épaisseur de briques de 40/50 centimètres. Malheureusement, cela peut revenir cher.
des piliers sont disposés à distances régulières afin de stabiliser la maçonnerie. Cette solution, plus pratique et moins onéreuse, est souvent retenue.

Muret de clôture en brique foraine, avec des frises en galets très mignonnes
Muret de clôture en brique foraine. Source : Pierre Graff Architecte.

Le choix du mortier lui aussi est important. Ce dernier doit aussi être résistant au gel, de faible porosité, et le plus performant possible en traction (même s’il ne faut pas trop placer ses espoirs là-dessus). Dans la région toulousaine, plutôt qu’un mortier de ciment comme dans le Nord, c’est souvent un mortier «bâtard» qui est utilisé.
Enfin, pour protéger le dessus du mur et éviter l’infiltration de l’eau de pluie dans les joints notamment, des couvertures sont souvent rajoutées sur les murets de clôture. Pierre, métal, tuiles inclinées, céramique… Les solutions sont nombreuses.

Eléments de décor

Les décors de terre cuite existent depuis très longtemps. Jadis, leur présence sur le portique d’une maison dans le Midi toulousain indiquait le statut social de ses habitants. Mais avec l’arrivée de la révolution industrielle, et la production de moule en série, ces éléments de décor en terre cuite se sont largement démocratisés.
Situées en extérieur, les décors en terre cuite doivent répondre aux même attentes que les briques (résistance au gel, faible porosité, etc…).
Les décors en terre cuite peuvent prendre quasiment toutes les formes possibles : figures humaines (caryatides par exemple), ordres, bas-reliefs, garde-corps…

Décor en terre cuite : sculpture d'un visage d'homme barbu avec couronne
Décor en terre cuite de l’époque Napoléonienne III. Source : Coutau-Bégarie.

Voûtes

Les voûtes en terre cuite dans la région toulousaine sont entièrement faites en briques foraines à l’exception des clefs de voûte.
Les voûtes subissent des efforts obliques sur leurs points d’appuis et transmettent des charges verticales aux fondations ou aux autres éléments porteurs d’une structure. Leur stabilité est dûe à leur mise en compression, c’est pourquoi il est important qu’elles soient suffisamment chargées.

Escaliers

Que ce soit pour de grandes montées ou de petits accès à des logements individuels, les briques foraines sont utilisées pour les escaliers. Leurs dimensions grandes et plates en font des girons idéaux.

Passage voûté à Montauban, en briques de terre cuite
Image : Passage voûté à Montauban. Source : Escapades & Roads Trips.
Petit escalier en briques foraines pour monter d'un niveau dans un jardin
Image : Petit escalier de jardin en briques foraines. Source : Arenov.

Les pavages au sol

Les briques foraines peuvent être utilisées en pavage pour le sol. Deux types de pavages en brique sont à distinguer :
les pavages souples, qui laissent plus de liberté de mise en oeuvre, prennent appui sur un lit de sable. Les briques sont assemblées entre elles mais séparées par de minces interstices. Ces derniers permettent à l’eau de s’infiltrer entre les briques et de rejoindre le lit de sable, puis les nappes phréatiques.
les pavages rigides, qui reposent sur des surfaces dures (du béton par exemple) et dont les briques sont jointes entre elle par du mortier. Ce type de pavage a l’inconvénient de ne pas laisser l’eau s’écouler pour se disperser dans le sol. Il requiert donc d’être en légère pente, de sorte à guider l’eau vers une rigole. Il permet une prolifération de mousse qui peut s’avérer problématique.
Dans les deux cas, pour que le pavage soit durable, il faut que les briques résistent particulièrement bien à l’usure et au gel, et aient une porosité faible.
Les briques utilisées pour le pavage ont généralement des dimensions différentes de celles utilisées pour faire des murs par exemple. Dans la région toulousaine, il arrive que des briques foraines (plates, donc) soient utilisées telles quelles pour le pavage de maisons individuelles par exemple.
L’appareillage des briques dans le pavage est également important : en effet, il est pensé non seulement pour donner un effet esthétique, mais aussi pour permettre aux briques de rester solidaires entre elles même en cas de sollicitation importante (quand une voiture roule et freine dessus par exemple). L’appareillage permet donc de bloquer les briques et d’éviter leur dislocation.

Différents appareillages de briques en pavage au sol : en demi-brique diagonal, en bloc, en coudé, en demi-brique perpendiculaire, en arrête de poisson (ou en épi), aléatoire

Tuiles

Les tuiles font partie des éléments constructifs en terre cuite utilisés depuis très longtemps en architecture, bien que que les briques le soient depuis plus longtemps encore.
Traditionnellement, l’étanchéité des tuiles de terre cuite était mise en oeuvre en les faisant se chevaucher sur des surfaces importantes. De nos jours, il existe des traitements pour les tuiles qui permettent de réduire cette surface de recouvrement.
Il existe trois types principaux de tuiles de terre cuite :

– les tuiles canal, très utilisées dans la région toulousaine notamment. Souvent fabriquées à l’aide de filières (voir partie «Processus de fabrication des produits en terre cuite»), on utilise aussi parfois une presse. Les tuiles canal ont des formes «de gouttière» en guise d’étanchéité (en plus du fait qu’elles se chevauchent).
Les tuiles canal peuvent être posées sur un support de chevrons triangulaires ou trapézoïdaux, sur un voligeage jointif ou un plancher par exemple.

– les tuiles plates, qui peuvent être rectangulaire ou en forme d’écailles. Traditionnellement, leur étanchéité se faisaient uniquement par recouvrement. Elles peuvent être vernies ou être couvertes de différents coloris.
De nos jours, les tuiles plates en terre cuite peuvent être faites de sorte à pouvoir s’emboîter de manière étanche sans avoir de trop grand recouvrement. L’exemple ci-contre le montre bien : ces tuiles texturées vernies en noir semblent être simplement disposées côtes à côtes, alors qu’en réalité elles se chevauchent légèrement.

– les tuiles à emboîtement (aussi appelée tuiles mécaniques), qui ont fait leur apparition à la révolution industrielle, grâce au développement des presses à grand rendement. Leur système d’emboîtement permet d’assurer l’étanchéité de la toiture avec la surface de recouvrement la plus faible possible. Elles reprennent donc le même principe que la tuile plate moderne vue plus haut.
Les tuiles peuvent être à simple, à double ou à triple emboîtement, en fonction du nombre de rainures et de nervures qui leurs permettent de s’emboîter.
Ces tuiles industrielles peuvent être de différents coloris, en fonction de l’argile utilisée ou de colorants rajoutés dans cette dernière. Elles peuvent être vernies ou non, de toutes tailles…
L’assemblage des tuiles à emboîtement peut se faire par glissement (souvent utilisé en rénovation; le recouvrement s’effectue latéralement), ou mécaniquement (le recouvrement s’effectue transversalement).

Tuile canal en coupe : elles sont imbriquées les unes aux autres et posées sur des chevrons triangulaires ou trapézoïdaux
Tuile canal
Tuile canal moderne noire
Tuile plate en écaille
Tuiles mécaniques posées en toiture
Tuile mécanique

De haut en bas :
1. Tuiles canal sur chevrons triangulaires. Source : Complément Technique.
2. Tuiles canal. Source : Saône Seille Charpente.

3. Tuiles plates modernes noires. Source : Extrem-Ker.
4. Tuiles plates en écaille. Source : Batirama.
5. et 6. Tuile mécanique. Source : Terreal.

Divers

La terre cuite se présente de bien d’autres manières encore dans les constructions toulousaines : en plancher/hourdis, en chéneaux… Elle peut aussi se présenter en ouverture de façade sous diverses formes : encadrement de fenêtre ou de porte, arcades, porches, lucarnes… Et bien évidemment, en murs, porteurs ou non.

Murs porteurs

Traditionnellement, un grand nombre d’édifices de la région toulousaine possèdent des façades porteuses en briques de terre cuite. Ces murs sont généralement de grande épaisseur (les briques foraines étant plus épaisses que les briques du Nord).
Pour avoir un mur porteur en brique qui soit fonctionnel, il faut bien évidemment des fondations solides, sans quoi des fissures peuvent se former dans la maçonnerie (au niveau des joints de mortier). Il est possible de les reboucher avec du mortier, mais cela ne résoudra pas le problème à long terme. Des travaux au niveau des fondations seront donc à prévoir.
En cas de pluies acides répétées, une dégradation du mortier peut être observée, en particulier quand il s’agit d’un mortier de chaux. L’intérêt des murs porteurs en brique foraine est que le mur est suffisamment épais pour qu’un remplaçage du mortier puisse être facilement opéré.
Un autre problème que peuvent rencontrer les murs porteurs en briques de terre cuite est la présence d’une (ou des) charge(s) ponctuelle(s) : l’appui d’une poutre en un point par exemple. En effet, la brique qui subit cette charge ponctuelle peut céder. Pour construire en terre cuite porteuse, il est donc conseillé de répartir les charges le plus possible sur l’ensemble de la maçonnerie.
Pour résoudre certains problèmes constructifs (comme la faible résistance à la traction de la terre cuite), la maçonnerie en brique armée a été inventée (et même avant l’invention du béton armé). Ces briques peuvent, comme lé béton armé, être précontraintes.

Photo de mur porteur en brique avec petit bas relief d'un personnage sur un cheval
Détail de mur porteur en brique. Source : Office de tourisme de Toulouse.
Briques armées en coupe, on voit le ferraillage qui dépasse
Briques armées. Source : Wienerberger.

Murs à bardage de terre cuite

Les briques de terre cuite peuvent être utilisées de manière non-porteuse en façade, en bardage. Sans fonction porteuse, ces briques sont donc utilisées pour leur aspect esthétique, ou, dans le cas de beaucoup de bâtiments neufs de la région toulousaine, pour se fondre dans le contexte.
Une chose qui se fait beaucoup est de construire les porteurs en béton armé et de les recouvrir de bardage en terre cuite, avec une lame d’air entre les deux, à la fois pour isoler et pour aérer la structure. L’utilisation de briques alvéolées peut également faire office d’isolation thermique (que ce soit en porteur ou en bardage).
L’utilisation des briques en bardage permet d’utiliser des briques plus fines, et, dans le cas des briques foraines, de les utiliser à la verticale, sous forme de carreaux.
Dans les constructions récentes, l’utilisation de la brique foraine (sous sa forme traditionnelle) semble s’amoindrir au profit de son utilisation en bardage, afin de réduire l’épaisseur des murs de façade, ou simplement pour ne pas avoir de façade porteuse.

Détail bardage avec dans l'ordre : brique, lame d'air, isolant, attache, béton banché ou maçonnerie
Détail de mur en bardage brique. Source : Batirama.
Bardage terre cuite en cours de pose
Bardage en briques foraines. Source : Travaux 31.

Propriétés de la terre cuite

Caractéristiques physiques générales de la terre cuite
La terre cuite a une structure poreuse, qui peut varier selon les types d’argiles et les cuissons. Etant rigide et dure, elles sont plus susceptibles de se casser sous l’effet d’un choc qu’un matériau plus mou. C’est pourquoi, dans le cas d’une brique perforée, comme cela a été signalé auparavant, il est impératif que le volume de ses trous ne dépasse pas 40% de son volume total, sans quoi il y a de forts risques de fissures/cassures sur la brique quand elle sera soumise à des charges.
Comme la plupart des matériaux dits pierreux, la terre cuite est ininflammable, incombustible et imperméable. Elle est résistante à un grand nombre d’agents chimiques.
La terre cuite résiste davantage à la compression qu’à la traction, d’où sa fragilité.
Chaque terre cuite (en fonction de l’argile, de la cuisson et du format) a des propriétés qui varient plus ou moins. Les fabricants chiffrent cela dans leurs catalogues.

Résistance de la terre cuite
En fonction de l’argile utilisée, et pour une même cuisson, la résistance mécanique d’une brique de terre cuite peut varier.
Sa résistance à la compression va de 5 à 80 N/mm², mais certaines vont même jusqu’à 100 N/mm². Cependant, elles restent assez rares sur le marché.
Sa résistance à la traction est beaucoup plus faible : elles varient entre 1 et 2 N/mm² en maçonnerie. Cependant, elle reste plus haute que la résistance d’adhérence mortier-brique.
La terre cuite se dilate moitié moins que le béton en cas de variations thermiques, et les murs de briques ne nécessitent donc pas de joint de dilatation, même si cela se fait tout de même dans les édifices plus ou moins récents.

Porosité de la terre cuite
La terre cuite est un matériau à porosité variable (en fonction de la nature de l’argile utilisée).
Pour calculer la porosité d’une terre cuite, on mesure son poids après avoir été séchée, puis on le mesure à nouveau après l’avoir laissée tremper dans de l’eau pendant 48h. Dans les édifices anciens, la porosité de la terre cuite est comprise entre 5 et 18%; on peut cependant abaisser cette porosité jusqu’à 2-3%. Si l’on cuit la terre cuite jusqu’à obtenir une porosité nulle, ce qui en ressortira ne sera plus de la terre cuite mais un verre. A l’inverse, pour obtenir une plus grande porosité de la terre cuite, on peut la cuire avec d’autres éléments (tels que du charbon, de la sciure de bois etc) qui disparaîtront après cuisson, et donneront à la terre cuite des propriétés isolantes. Pour obtenir des briques isolantes, on utilise également des briques alvéolées, de sorte à leur permettre de stocker de l’air, un élément isolant tant thermiquement que phoniquement.
La porosité de la terre cuite permet également une meilleure adhérence du mortier, et l’absorption des intempéries pour éviter un ruissellement. Après évaporation, la terre cuite retrouvera son taux d’humidité habituel. Néanmoins, cela peut provoquer des problèmes d’humidité au sein de la structure. Il est donc important de protéger un minimum les façades de terre cuite, avec des débord de toit par exemple.

Economie de la terre cuite sur Toulouse et en France

96% des tuiles produites en France, 74% des toitures ont des tuiles terre cuite, 10% des exports mondiaux de terre cuites sont français

La filière de la terre cuite
La filière terre cuite est importante en France et particulièrement dans la région toulousaine, qui nous intéresse pour ce dossier. Ainsi, 105 000 emplois en France sont directement ou indirectement liés à l’économie de la terre cuite.
Toulouse possède un patrimoine de terre cuite bien plus anciens que toutes les actuelles industries de terre cuite. L’enjeu de la terre cuite à Toulouse aujourd’hui est celui de la rénovation des édifices anciens, et de la construction de nouveaux bâtiments devant s’inscrire dans une continuité visuelle avec les autres constructions locales.
En effet, le PLU de Toulouse impose, sur plusieurs zones, cette homogénéité plus ou moins forte des façades.

Influences climatiques
D’un point de vue climatique, les records de chaleur observés à Toulouse sur la période 1981-2010 sont de 44°C, et les records de froid sont à -19,2°C. La terre cuite supporte bien la chaleur (puisqu’elle est cuite, et a une bonne résistance au feu). Cependant, des problèmes liés au gel peuvent avoir lieu. Mais les records de froid sont des événements assez rares, et, en général, les températures les plus froides à Toulouse sur l’année se situent dans les 2°C.

Rénovation d'édifices anciens en terre cuite

L’enjeu de la rénovation/réhabilitation des édifices en terre cuite est crucial dans la région toulousaine. En effet, avec l’évolution des normes de confort (thermique, phonique, mais aussi l’installation de nouveaux appareils, etc), la question de l’usage de la terre cuite en rénovation s’est particulièrement développée au cours du siècle présent.
Les produits de terre cuite récents utilisent de nouvelles technologies (tant pour la fabrication : moules, fours, etc. que dans le domaine de l’inovation : tuiles solaires, tuiles à emboîtement sophistiquées, etc). Les formes, l’aspect, les couleurs, les proportions des briques de terre cuite ont également évoluées, proposant une plus grande diversité de modèles. Mais dans le cas d’une rénovation, retrouver un aspect «authentique» est davantage nécessaire que de chercher une innovation formelle. Cependant, l’inovation peut être recherchée en ce qui concerne les questions énergétiques.

Indications sur la rénovation à Toulouse

La ville de Toulouse fournit des indications précises sur la manière dont les rénovations doivent être opérées, en particulier en façade (cette dernière étant visible depuis l’espace public). Ainsi, la direction de l’urbanisme de la commune donne des directives sur les couleurs à utiliser en fonction de l’époque de construction du bâtiment, le gabarit des briques, etc…

Edifices datant du XIXème siècle
Pour les édifices datant du XIXème siècle, il est conseillé d’utiliser un mortier de chaux qui sera le plus respectueux de l’appareillage existant. De l’eau forte peut être utilisée pour recolorer les produits de terre cuite sans porter atteinte à leur texture.
Au niveau des couleurs, il vaut mieux éviter les couleurs vives et les forts contrastes.

Edifices datant du début à milieu XXème siècle
Pour les édifices datant du début-milieu XXème siècle, il est conseillé de faire particulièrement attention au respect de l’appareillage des briques. Il faut aussi respecter le style et l’esprit du mouvement architectural auquel le bâtiment appartient : régionaliste, art déco, moderniste… Les couleurs utilisées peuvent se permettre d’être plus vives.

Edifices datant du milieu à fin XXème siècle
Pour les édifices datant du milieu-fin XXème siècle, les choix de rénovation sont beaucoup plus libres mais toujours régulés. Le guide de la ville de Toulouse indique par exemple : «Sur une petite façade, les couleurs soutenues et les harmonies contrastées sont acceptées. Sur les façades de grande taille, les menuiseries sont nombreuses, il est conseillé d’éviter les couleurs vives et les contrastes forts. Les portes et les ferronneries peuvent être sombres.»

Constructions nouvelles en terre cuite

Les constructions neuves dans la région toulousaine continuent à être en terre cuite, pour beaucoup, à cause de plusieurs facteurs. Tout d’abord, dans beaucoup de zones, le PLU conseille une homogénéisation des façades, qui peut être faite en utilisant les mêmes matériaux (donc la terre cuite) ou les mêmes couleurs. D’autre part, la terre cuite demeure un matériau populaire à Toulouse en raison de son histoire régionale. Enfin, il existe un grand nombre de briqueteries/tuileries dans la région, ce qui peut orienter les architectes locaux vers cette solution.

Perspective extérieure de la Toulouse School of Economics
Exemple de nouveau bâtiment en terre cuite : Toulouse School of Economics. Source : skyscrapercity.com

Devenir des produits en terre cuite

Erosion et entretien
Les bâtiments en brique de terre cuite ne nécessitent pas d’entretien particulier, si ce n’est celui de continuer à l’habiter. Utilisé de manière irrespectueuse ou laissé à l’abandon de manière prolongée, ils peuvent néanmoins présenter des dégradations. Ces dernières se manifestent généralement sous la forme de détériorations des briques (ou tout autre éléments en terre cuite) à cause du gel par exemple, de détérioration des joints de mortier, ou parfois de problèmes d’humidité.
Le principal «entretien» que subissent les édifices de terre cuite consiste donc à remettre aux normes actuelles des édifices anciens.
Cependant, il arrive que des éléments de terre cuite doivent être remplacés dans un édifice. En effet, même si la plupart de ses briques (ou tuiles, ou autre) ne subissent pas de dégâts, il peut suffire d’une brique défaillante dans un appareillage pour que tout cède. Cela constitue un désavantage à l’utilisation de produits de terre cuite.

Durabilité
Les produits de terre cuite ont généralement une bonne tenue dans le temps, sauf si elles n’ont pas été correctement fabriquées et cuites (ce qui pouvait arriver dans le cas des briques anciennes, cuites dans des fours archaïques). De nos jours, les fabricants essayent de contrôler l’uniformité des produits de sorte à éviter de se retrouver avec une brique défaillante qui provoque la chute de toutes les autres (comme évoquer auparavant).

Recyclage
La terre cuite est un matériau recyclable. Il existe à ce jour plusieurs manières de recycler les produits de terre cuite :
– en récupérant des briques/tuiles/tout autre élément de terre cuite, en prenant soin au préalable de les nettoyer du mortier. Ces produits peuvent être réutilisés en rénovation (pour garder des éléments ayant une patine du temps et éviter le choc visuel que peuvent constituer des produits neufs), ou en neuf (pour donner un esthétisme ‘authentique’ à l’édifice, ou le fondre avec les autres bâtiments anciens alentours) ;
– en réduisant les produits de terre cuite en granulats pour les utiliser dans des travaux de fondations ;
– en les mettant en miettes pour les mélanger à d’autres éléments et en faire de la terre artificielle (pouvant servir pour des chemins de campagne ou le sol de cours de tennis);
– les tuiles de terre cuite broyées peuvent servir de substrats pour les plantes des toitures végétalisées ;
– etc.

Allée faite de tuiles recyclées
Allée faite de tuiles recyclées. Source : Rustica.

Conclusion

En conclusion, si la terre cuite a été longtemps utilisée dans la région toulousaine, elle continue de l’être dans les nouvelles constructions (et bien entendu, en rénovation). Devenue emblême de la ville, les architectes ont de nos jours encore beaucoup de mal à s’en passer.
Cependant, nous pouvons être amenés à nous demander si son utilisation relève de convictions profondes ou de la simple perpétuation de méthodes constructives tradionnelles. Son côté écologique se retrouve éclipsé quand elle est utilisée en bardage, avec une structure en béton armé.
La terre cuite à Toulouse n’est-elle utilisée principalement que pour son identité visuelle, ou l’enjeu est-il plus vaste ?

Sources

Briqueterie Capelle – Briqueterie Yvon Cailleau – Fédération Française Tuiles et Briques – Wikipédia – Terreal
http://www.toulouse-brique.com
www.bricoleurdudimanche.com
Guides de rénovation de la commune de Toulouse
http://www.univers-nature.com/eco-habitat/les-tuiles-se-recyclent-aussi-63431.html
Le bâti Brique – Techniques d’amélioration de l’habitat existant (livre)
La brique – Fabrication et traditions constructives – Giovanni Peirs (livre)
Icônes de la partie «législation» : Noto
Icônes de la partie «les différentes teintes de terre cuite» : moi
Dessins de la partie «appareillages de briques en pavage au sol» : moi

Cet article découle d’un projet étudiant que j’ai fait en 2017, qui consistait à écrire un document de présentation d’un matériau en lien avec un territoire donné. Version PDF transmissible sur demande.

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